Examen de l’allégation :

Doc D1/04/17

Notre conclusion

FAUX, une allégation dangereuse

Le risque de carence est encore très élevé, pour l’ensemble de la population. Ce risque est clairement démontré dans des études récentes.

1. Carences d’après le rapport CSS2016

Sur base du rapport CSS2016 “Recommandations nutritionnelles pour la Belgique”, nous avons résumé comme suit les données relatives aux carences avec, dans la dernière colonne, notre conclusion (déjà inspirée par des données issues d’enquêtes et de mesures de consommation alimentaire visées au point 2).

 

  AJR ou Apport adéquat (AA) Apports moyens ou estimés Commentaires additionnels du CSS concernant les carences Conclusion de be-sup

Ca

950 mg

716-838 mg

 

Grand risque de carences dans une partie importante de la population.

P

800 mg

> 1100 mg

 

Carences très rares.

Mg

300 - 350 mg

(F-H)

225-402 mg

« Une carence en magnésium est très rare et est généralement secondaire à une autre pathologie »

Grand risque de carences dans certains groupes.

K

3-4g

2-4 g

« L’apport habituel de potassium varie chez les adultes (…) et est généralement inférieur aux recommandations nutritionnelles.  (…) Toutefois, les patients souffrant d’hypertension artérielle, traités par des diurétiques, et/ou d’insulinorésistance et de diabète de type 2, ont souvent besoin d’un complément de potassium. »

Risque de carences, surtout dans certains groupes.

Fe

9-15 mg

9.6-13 mg

“…le risque accru de carence en Fe touche principalement les jeunes enfants mais aussi les jeunes femmes réglées, les femmes enceintes et les femmes allaitantes.»

Grand risque de carences dans certains groupes.

Zn

8 - 11 mg

4 – 54 mg

« Une carence en Zn est une réalité plus fréquente dans certains groupes de population (prématurés nourris au lait maternel, jeunes enfants, femmes enceintes, femmes allaitantes, personnes âgées, végétariens) et dans des régions défavorisées du monde (malnutrition, faibles revenus, zones rurales), mais également dans certains pays européens (jusqu’à 10 % de la population).

Grand risque de carence, surtout dans certains groupes.

Cu

1.2-1.7 mg

1.0-1.6 mg

« À l’exception de quelques groupes de population (femmes pendant la grossesse ou l’allaitement, personnes souffrant d’une mauvaise absorption intestinale, personnes présentant un apport trop élevé en Zn, une carence en Cu n’est pas un problème… »

Risque de carences dans certains groupes.

Se

70 mcg

30-60 mcg

«Une partie non négligeable de la population belge présente un apport inférieur à l’AA.»

Grand risque de carences.

I

150 mcg

Non disponible

« L’apport est encore sous-optimal pour les femmes belges pendant la grossesse ou l’allaitement. »

Risque de carences dans certains groupes.

Mn

3 mg

2,6 mg

(1983 données)

Risque de carences.

Mo

65 mcg

75-99 mcg

(1997 données)

Faible risque de carences

Cr

30 mcg (NE)

57-84 mcg

(Données EFSA)

Risque de carences dans certains groupes.

F

2.9-3.4 mg

2 – 3.5 mg

(Données EFSA)

Faible risque de carences.

B

0.3 - 1mg (NE)

0.9 – 1.5 mg

(Données EFSA)

Faible risque de carences.

Si

10-25 mg (NE)

9 – 43 mg

 

Risque de carences.

TABLEAU 1.  Carences en minéraux et en oligo-éléments chez des adultes d’après CSS2016.
NE : Non établi

Vitamine AJR ou Apport adéquat Apports moyens ou estimés Commentaires additionnels CSS Conclusion de be-sup

A

650-750 mcg RE

inconnu

(étude aux Pays-Bas) « Environ 20 % des hommes et 35 % des femmes ont un apport habituel inférieur aux besoins moyens.»

Grand risque de carences.

D

10-15 mcg

Souvent trop faible

Carences chez les nouveau-nés, les enfants, les adultes.

Grand risque de carences.

E

11-13 mg

inconnu

La carence est rare

Faible risque de carences.

K

50-70 mg

Inconnu

Indéterminé

Faible risque de carences.

C

110 mg

90 mg

Carence pour plus de la moitié de la population

Grand risque de carences.

B1

1.1-1.5 mg

1.2 – 1.8 mg

La carence est rare

Faible risque de carences.

B2

1.2 – 1.5 mg

1.8 – 5.2 mg

La carence est rare

Faible risque de carences.

B3

14-16 mg

12 – 14 mg

La carence est rare

Faible risque de carences.

B5

5

3.2 – 6.3 mg

Les carences nutritionnelles sont rares

Faible risque de carences.

B6

2 – 3 mg

Inconnu

L’apport dépasse légèrement les besoins

Les carences sont rares.

B8 = H

biotine

40 mcg

30-60 mcg

Une carence est rare

Risque de carences.

B9

acide folique

200-300mcg

168-326 mcg

Carences pendant la grossesse et chez les femmes avec un risque accru

Grand risque de carences, surtout pendant la grossesse.

B12

4 mcg

4.2 – 8.6 mcg

Risque de carence dans certains groupes de la population

Risque de carences.

TABLEAU 2.  Carences en vitamines chez des adultes d’après CSS2016.

2.  Carences d’après des enquêtes et des mesures de consommation alimentaire

L’enquête sur la Consommation nutritionnelle 2014-2015 a mis en évidence les risques de déficiences chez le consommateur Belge. La tableau 3 reprend les conclusions les plus importantes. Par ailleurs, la liste de références reprise ci-dessous comporte d’autres études qui  décrivent aussi les risques de déficiences en vitamine E, magnesium et zinc, entre autres.

% du risque de carence % des hommes % des femmes
Calcium 73% 85%
Fer 36% 96%
Vitamine A 22-31% 14-31%
Vitamine B1 81% 81%
Vitamine B2 63% 62%
Vitamine B6 80% 77%
Acide Folique B9 63% 84%
Vitamine C 73% 78%
Vitamine D 95% 77%

TABLEAU 3.  Carences telles qu’elles ont été établies dans les mesures et les sondages

Sources : 

  1. Enquête nationale belge de Consommation alimentaire - y compris les apports provenant de compléments. De Ridder K, Bel S, Brocatus L, Cuypers K, Lebacq T, Moyersoen I, Ost C & Teppers E. De consumptie van voedingsmiddelen en de inname van voedingsstoffen. Dans : Bel S, Tafforeau J (ed.). Enquête de consommation alimentaire 2014-2015. Rapport 4. WIV-ISP, Bruxelles, 2016.
  2. Philippart de Foy “Carence en vitamine D: Une pandémie facilement éradicable en médecine de 1ière ligne”, UCL Report 2009.
  3. Moreno-Reyes R., Carpentier Y. A., Boelaert M. et al. Vitamin D deficiency and hyperparathyroidism in relation to ethnicity: a cross-sectional survey in healthy adults. Eur. J. Nutr. 2009; 48: 31-37
  4. Isabel Van Daele, Ugent, “Vitamine D-deficiëntie in een doorsnee Belgische huisartsenpraktijk”, Masterproef Huisartsgeneeskunde 2011.
  5. Van Rossum CTM, Fransen HP, Verkaik-Kloosterman J, Buurma-Rethans EJM, Ocke MC.  Dutch National Food Consumption Survey 2007-2010: Diet of children and adults aged 7 to 69 years.  RIVM; 2011.  Report nr. 350050006/2011.
  6. Galan P, Preziosi P, Durlach V, Valeix P, Ribas L, Bouzid D, Favier A, Hercberg D. Dietary magnesium intake in a French adult population. Magnes Res 1997; 10(4):321-328. (Étude SU.VI.MAX).
  7. Henderson et al (2003) “The National Diet & Nutrition Survey: adults aged 19 to 64 years.  Vitamin and mineral intake and urinary analytes.” HMSO, UK, ISBN 0 11 621568 2.
  8. Schimatschek HF, Rempis R. (2001) “Prevalence of hypomagnesemia in an unselected German population of 16,000 individuals.  Magnes. Res. 2001; 14:283-290.
  9. Mouw DR, Robyn AL, Sullo EJ. What are the causes of hypomagnesemia? J Fam Pract 2005; 54(2):156-178.
  10. Conseil Supérieur de la Santé. Recommandations nutritionnelles pour la Belgique – 2016. Bruxelles : CSS 2016, Avis n° 9285
  11. Peter S, Friedel A, Roos FF et al. A systematic Review of Global Alpha-Tocopherol Status as Assessed by Nutritional Intake Levels and Blood Serum Concentrations. Int J Vitam Nutr Res 2016;, 14:1-21.
  12. Moyersoen I et al (2017) “Intake of Fat-Soluble Vitamins in the Belgian Population: Adequacy and Contribution of Foods, Fortified Foods and Supplements” Nutrients 2017, 9, 860.

3. Carences dans des groupes spécifiques de la population

Le tableau suivant présente une série de carences connues dans des groupes spécifiques de la population, comme le décrit le CSS2016.

Groupe Carence

Patients ostéoporotiques

Ca, VitD

Jeunes enfants, jeunes femmes adultes, femmes enceintes, femmes issues de classes sociales défavorisées

Fe

Patients souffrant d’hypertension artérielle et traités par des diurétiques, et/ou insulinorésistance et diabète de type 2

K

Nourrissons prématurés, nourrissons allaités, jeunes enfants, femmes enceintes et femmes pendant l’allaitement, personnes âgées, végétariens, groupes sociaux défavorisés (10 % de la population)

Zn

Femmes pendant la grossesse ou l’allaitement, personnes présentant une mauvaise absorption intestinale, personnes ayant un apport très élevé en Zn

Cu

Une partie non négligeable de la population belge

Se

Femmes pendant la grossesse ou l’allaitement

I

Les personnes sous alimentation parentérale prolongée et totale

Mn

Patients sous alimentation parentérale

Mo

Patients sous alimentation parentérale

Cr

En cas de troubles graves du comportement alimentaire et/ou dans certains milieux socio-économiques très défavorables

Vit. A

Enfants et personnes âgées surtout à la fin de l’hiver et au début du printemps, 40 à 100 % de la population âgée, des nouveau-nés

Vit. D

Personnes qui prennent des antagonistes de la vitamine K

Vit. K

Patients sous alimentation parentérale, fumeurs, personnes âgées, davantage chez les hommes, alcoolisme chronique, patients atteints d’un cancer ou d’autres affections chroniques entraînant un état inflammatoire prolongé.  Plus de 50 % des personnes qui consomment moins de deux portions de fruits par jour, qui ne pratiquent pas d’activité physique et qui fument (et qui prennent des contraceptifs oraux dans le cas des femmes).

Vit. C

Consommation régulière d’alcool

Vit. B1

Alcoolisme chronique, mauvaise absorption intestinale pour certaines maladies intestinales

Vit. B2

Alcoolisme grave et comme conséquence de certaines maladies intestinales ou immunitaires chroniques

Vit. B3

En cas d’alimentation parentérale chronique qui n’est pas associée à l’administration de cette vitamine ou en cas de consommation régulière d’œufs crus

Vit. B8 (biotine)

Femmes qui envisagent une grossesse, femmes enceintes, femmes avec des antécédents d’anomalies du tube neural lors d’une précédente grossesse, si elles-mêmes ou leurs partenaires ont souffert d’une ATN,  antécédents familiaux d’ATN, prise d’antiépileptiques, prise de Proguanil (antipaludique), diabetes mellitus (type 1 ou type 2), obésité, mauvaise absorption intestinale comme la maladie coeliaque ou certaines anémies génétiques (drépanocytose, thalassémie).  Grossesse non souhaitée et situation socio-économique défavorisée de la mère.

Vit. B9 (acide folique)

Faible carence fréquente chez les végétariens et les personnes âgés.Personnes qui sont supplémentées en acide folique.

Vit. B12

TABLEAU 4.Carences dans des groupes spécifiques de la population selon CSS2016.

Toutefois, il y a bien d’autres groupes de la population qui présentent un risque élevé de carences.  Nous les avons résumés dans le TABLEAU 5.

Groupe Carence réf

Personnes qui prennent certains médicaments

toutes sortes

Voir Document D4/04/17

Obésité

Fe, vit. D, B12, E, C

Xanthakos SA. Nutritional Deficiencies in Obesity and After Bariatric Surgery. Pediatr Clin North Am 2009; 56(5):1105-1121

29 % des personnes de plus de 65 ans qui vivent chez elles et dont 51 % sont hospitalisées pour une chirurgie, sont dans une situation nutritionnelle problématique.

toutes sortes

Langendries M, Healthcare Executive 2014; 80:28-29.

Les étudiants ont de très mauvaises habitudes alimentaires : À peine un quart des étudiants mange au moins deux portions de fruits par jour et en ce qui concerne les légumes, la situation est dramatique : à peine 8,4 % mangent au moins la quantité recommandée de 300 g par jour.

toutes sortes

AP Hogeschool, Opleiding Voedings- en dieetkunde, 2016 (https://www.ap.be/wetenschap-en-techniek/nieuws/hoe-gezond-leeft-de-ap-student/4384 )

Tableau 5. Carences et groupes sensibles pour les groupes spécifiques qui ne sont pas mentionnés dans le CSS2016

4.   Conclusions

Sur base d’une vision globale, nous pouvons conclure qu’il existe un risque très réel que le Belge ‘moyen’ présente une carence de l’un ou de plusieurs minéraux, vitamines ou oligo-éléments.  Nos conclusions sont résumées au Tableau 6.

 

    vitamines   minéraux

Grand risque de carences

4

A, D, C, B9 (acide folique)

5

Ca, Mg, Fe, Zn, Se

Risque de carences

2

B8 (biotine), B12

5

K, Cu, I, Mn, Si

Faible risque de carences

6

E, K, B1, B2, B3, B5

4

Mo, Cr, F, B

Carences rares

1

B6

1

P

Total

13

 

15

 

TABLEAU 6.Aperçu des principales carences dans la population belge.

D’après les données de ce rapport, les plus grands risques de carences sont présents pour 9 substances : calcium, magnésium, fer, zinc, sélénium, vitamine A, vitamine D, vitamine C et vitamine B9 (acide folique).  En outre, il y a des groupes spécifiques de la population qui ont besoin d’une supplémentation.

En même temps, il convient de faire observer, sur base de la courbe de Gauss reprise à la page 13 du CSS2016, qu’il est possible de prévenir les carences dans toutes les couches de la population.  Dans ce cadre, des facteurs personnels jouent également un rôle majeur.

À titre d’exemple, voici la situation de l’apport en calcium chez les femmes en Belgique

GRAPHIQUE 1.  La situation pour le calcium.  AJR = 950 mg/j, apport moyen pour les femmes = 716 mg/j.  Il y a manifestement un groupe significatif de femmes qui ont un apport trop faible en calcium.

GRAPHIQUE 2.  Lien entre apport en calcium et risque pour la santé.  En partie basé sur Voedingsnormen 2001, Pays-Bas. Il existe un risque considérable pour la santé pour une très grande partie des femmes.

Une supplémentation et un enrichissement de denrées alimentaires en vitamine D et en calcium permettent, chaque année, de prévenir 200.000 fractures, ce qui revient à une économie de presque 4 milliards d’euros. Chaque euro dépensé en compléments alimentaires et en denrées alimentaires enrichies permet d’économiser 3,47 €. Les nutriments comme la vitamine D et le calcium ne sont donc pas seulement essentiels pour l’organisme mais aussi pour les économies en matière de soins de santé (Frost & Sullivan Report, 2017).

Dans un Document de Consensus, le Belgian Bone Club recommande une supplémentation en calcium et en vitamine D pour toutes les femmes post-ménopausées et conclut : “…Le calcium et la vitamine D doivent être les médicaments de première intention pour la prévention et le traitement de l’ostéoporose”  (Boonen et al. Osteoporos Int 2005; 16:239-254).